One Provence réinvente le marketing territorial avec l’IA
One Provence mise sur l’IA pour centraliser et simplifier l’accès aux infos locales. Une avancée pour le marketing territorial ou un pari risqué ? Interview croisée de Lionel Flasseur et Olivier Roche

Imaginez… Vous êtes dans une ville que vous ne connaissez pas et vous vous demandez : “Où déjeuner ce soir ?”, “Quels événements ont lieu ce week-end ?”, “Comment me rendre à la gare depuis ici ?”…
Et vous obtenez une réponse instantanée, fiable, locale… sans avoir à fouiller 5 sites différents !
Un scénario idéal pour beaucoup d’utilisateurs (et de destinations…) que One Provence a voulu transformer en réalité, à travers un projet innovant lancé dans la métropole Aix-Marseille-Provence.
Son ambition : remplacer les portails classiques d’information par un assistant conversationnel dopé à l’IA, capable de répondre directement à toutes les questions que peuvent se poser les habitants, les visiteurs ou les investisseurs sur un territoire.
Ce projet, je l’avais découvert en échangeant avec Lionel Flasseur, directeur général de One Provence, lors du salon IFTM en octobre dernier.
Et son constat m’avait, comment dire, marqué…
« Le marketing territorial n’a quasiment pas changé depuis 20 ans ! »
Une phrase qui pique un peu… mais qui soulève une vraie question : comment remettre l’utilisateur au centre de l’information locale ?
Pour creuser le sujet, j’ai eu la chance de mener une interview croisée de 2 personnes au cœur du projet :
- Lionel Flasseur, qui pilote la stratégie et la vision de One Provence,
- et Olivier Roche, fondateur de FCB.ai, l’agence qui a conçu l’assistant conversationnel et structuré toute l’architecture technique.
Ensemble, ils reviennent sur la genèse du projet, les défis rencontrés, les premiers résultats… et ce que cette expérimentation peut inspirer à d’autres territoires.
Allez, c’est parti !
Direction “Aix-Marseille Bébé” ! 😅

Vision initiale du projet
Nicolas : Pour commencer, retour aux origines du projet, quelle a été la vision initiale de One Provence ?
Lionel Flasseur : Alors le constat de départ était simple, la plupart des sites de marketing territorial fonctionnent comme des portails de redirection. Un touriste cherchant à visiter un lieu est envoyé vers un site touristique, un investisseur vers une agence économique, un étudiant vers une université… Ça oblige les utilisateurs à naviguer entre plusieurs plateformes sans offrir une expérience fluide.
Et le marketing territorial a pris 20 ans de retard. En Europe, les premières vraies stratégies datent de 2004… et peu de choses ont bougé depuis. Quand on a lancé One Provence il y a un an et demi, c’était pour apporter une approche innovante, capable de répondre directement aux questions des utilisateurs, sans intermédiaires, en intégrant l’intelligence artificielle conversationnelle.
Pour moi, l’essor de l’IA, c’était une vraie opportunité pour changer la donne, pour rendre le territoire plus accessible à tous ses publics.
Olivier Roche : Lionel a bien compris que la technologie devait avant tout être un outil au service du public. L’IA conversationnelle permet aux visiteurs de poser une question naturellement, comme s’ils s’adressaient à un expert local, et d’obtenir immédiatement une réponse précise.
L’un des grands bénéfices, c’est que l’utilisateur n’a plus besoin de chercher lui-même sur différentes plateformes ou de se perdre dans des menus complexes. Il pose sa question et l’IA lui répond instantanément.
Un autre avantage majeur est la disponibilité 24h/24, 7j/7. Aujourd’hui, un visiteur peut demander à 23h où se trouve le marché du lendemain matin et obtenir une réponse immédiate, ce qui était impossible auparavant.

Défis techniques
Quels sont les principaux défis techniques que vous avez rencontré lors du développement de One Provence ?
Lionel : On a choisi d’aller vite, mais pas n’importe comment. Dès le départ, on s’est entourés de partenaires solides, chacun avec un rôle bien défini.
Il y avait d’abord une équipe spécialisée en design thinking, qui nous a aidés à bien cadrer les besoins et à penser une expérience utilisateur vraiment fluide. Ensuite, on a travaillé avec FCB.AI, qui a géré toute la partie IA conversationnelle et l’agrégation des données, c’était évidemment un point clé du projet. Et puis on a aussi fait appel à une agence de web design pour créer une interface claire, intuitive, accessible à tous.
L’ensemble du projet nous est revenu à un peu moins de 40 000 €, ce qui reste un budget raisonnable vu l’ampleur du chantier. Ça nous a permis de tester rapidement des choses, sans perdre en qualité sur la mise en œuvre.
Olivier : D’un point de vue technique, on a voulu garder une architecture simple mais robuste. On a agrégé plus de 500 bases de données pour couvrir un maximum d’informations locales à jour. C’est ce qui nous permet de proposer des réponses variées et adaptées.
Mais ce n’était pas sans défis. Le premier, c’était l’accès aux données. Certains sites ne voulaient tout simplement pas qu’on utilise leurs contenus, et comme on ne fait pas de scraping, on a dû passer par des demandes officielles, parfois par courrier, pour débloquer l’accès. Ça prend du temps, mais ça fait partie du jeu si on veut rester dans une démarche propre et pérenne.
Et puis il y a la question de la fiabilité. Une IA peut être bluffante, mais si elle commence à raconter n’importe quoi, c’est fini. On a vite vu que tout se jouait sur la précision. Une IA peut être bluffante… mais si elle se trompe, c’est terminé.
Du coup, on a mis en place un système hybride : on s’appuie sur des sources validées pour les infos sensibles, comme la météo ou les transports, et on a un dispositif de contrôle qualité qui nous permet de corriger ou désactiver des réponses erronées quasiment en temps réel. C’est ce qui nous permet de garder la confiance des utilisateurs.

Premiers résultats
Quels ont été les premiers résultats observés depuis le lancement de One Provence ?
Lionel : Avant de rendre One Provence accessible au grand public, nous avons mené une phase de test avec une centaine d’utilisateurs. Cela nous a permis d’ajuster certains points et de mesurer la compréhension de l’outil.
Aujourd’hui, le taux de compréhension dépasse 80% et le taux de satisfaction atteint 4,1 sur 5. Ces chiffres montrent que One Provence est bien perçu et facile à utiliser, ce qui est essentiel pour un assistant basé sur l’IA.
Un autre point intéressant est que nous avons constaté une forte adoption de One Provence par les habitants eux-mêmes, alors que nous avions initialement conçu l’outil pour les touristes et visiteurs extérieurs.
Olivier : Exactement ! Au départ, One Provence devait répondre principalement aux questions des touristes : “Quels sont les horaires d’ouverture du musée Granet ? Où se garer gratuitement à Aix-en-Provence ? Où se trouvent les meilleures randonnées ?”
Mais rapidement, on a vu que les habitants s’appropriaient eux aussi l’outil pour des besoins du quotidien. Par exemple, un Marseillais peut vouloir des informations sur les activités à Aix-en-Provence, et vice versa.
Cela prouve que One Provence répond à un besoin plus large que prévu, et qu’il joue un rôle plus global dans l’accès aux services du territoire, bien au-delà de la simple information touristique.

Ambitions futures
Quelles sont les prochaines évolutions et ambitions pour One Provence ?
Lionel : Nous voulons aller encore plus loin dans l’expérience immersive et dans l’engagement des utilisateurs.
Nous avons déjà testé une première expérimentation avec Virtual Regatta, où nous avons organisé des courses de voile virtuelles et ça a été un grand succès. Ce type d’expérimentation nous permet de tester de nouveaux formats interactifs et d’attirer de nouveaux publics.

Nous envisageons aussi d’intégrer des témoignages vidéo auto-générés pour rendre le territoire encore plus attractif. L’idée est de permettre aux habitants, aux acteurs du tourisme et aux visiteurs de partager leurs expériences en vidéo, créant ainsi un contenu authentique et engageant.
Olivier : L’IA a encore un énorme potentiel pour enrichir l’expérience des visiteurs et des habitants. On travaille actuellement sur des fonctionnalités permettant de proposer des itinéraires ultra-personnalisés. Par exemple, un utilisateur pourrait demander : “Je suis passionné d’histoire médiévale, montre-moi les églises du XIIe siècle à 50 km autour de moi et identifie-moi les logements insolites disponibles pour mon séjour.”
On explore aussi l’intégration de la réalité augmentée pour rendre le territoire plus vivant. Prenons un exemple concret : les plages du Débarquement. Aujourd’hui, sur les plages du Débarquement, il reste peu de traces visibles à l’œil nu. Mais grâce à la réalité augmentée, on pourrait recréer ces moments clés de l’Histoire, et faire vivre une expérience bien plus immersive aux visiteurs. Ça change complètement la manière de ressentir un lieu.
L’objectif, c’est vraiment que l’IA ne soit pas juste un outil informatif. On veut qu’elle devienne un créateur d’émotions, un déclencheur de curiosité, qui permette de vivre pleinement la richesse d’un territoire – bien au-delà des simples données factuelles.
Petit débrief au comptoir…
Une IA pour valoriser un territoire ? Premiers enseignements et limites
One Provence illustre bien comment l’IA conversationnelle peut fluidifier l’accès à l’information locale, avec une approche qui cherche à réduire la fragmentation des contenus et simplifier l’expérience utilisateur. Une expérimentation ambitieuse, qui bouscule les codes classiques du marketing territorial… et ouvre de nombreuses pistes pour la suite.
✅ Ce qui fonctionne
- Compréhension à 80% des questions posées, signe d’une expérience utilisateur plutôt fluide
- Note de satisfaction de 4,1/5, encourageante et prometteuse pour une première version
- Adoption élargie par les habitants, au-delà des seuls visiteurs, révélant un vrai besoin d’accès simple et rapide à l’information locale
🔍 Ce que le projet révèle
- Un besoin clair d’unification des données : aujourd’hui, l’information touristique et institutionnelle reste trop morcelée
- Une ouverture aux formats immersifs : IA, réalité augmentée, témoignages vidéo… des expérimentations qui donnent envie de voir plus loin
- Une réflexion à poursuivre sur le positionnement de ces outils vis-à-vis des acteurs locaux : complémentarité ? mutualisation ? vitrine nouvelle génération ?
⚠️ Les défis à relever
- La gouvernance des données : 520 bases à maintenir, c’est un défi autant qu’un atout…
- L’articulation avec les équipes humaines : l’IA ne remplace pas l’accueil ou le conseil, elle doit s’y intégrer de façon fluide
- L’impact concret à mesurer : usage, retombées, image… la suite nous dira si le pari est tenu
Un dernier café avant de partir…
Avec ses premiers résultats, One Provence montre qu’il est possible d’imaginer une autre manière de parler d’un territoire, plus directe, plus conversationnelle, plus personnalisée.
C’est une brique nouvelle, pas un remplaçant du modèle existant. Une brique qui, bien intégrée, peut enrichir le parcours visiteur, renforcer l’attractivité… et même simplifier la vie des habitants. Encore faut-il poser les bonnes fondations.
Et c’est là que réside, à mon sens, l’apport majeur de ce projet : il ouvre le débat !
- Sur le rôle de l’IA dans la valorisation des territoires
- Sur l’importance des données ouvertes, fiables, vivantes…
- Sur la manière dont une destination peut raconter son histoire autrement, à travers une nouvelle grammaire technologique
One Provence ne résout pas tout. Mais il propose une nouvelle façon de penser le lien entre IA et territoire. Une approche qu’on ne peut plus ignorer.

A tester si vous êtes curieux
L’assistant IA de One Provence est accessible ici : www.oneprovence.com
Et ailleurs ?
De plus en plus de destinations explorent les possibilités offertes par les agents conversationnels dopés à l’IA : KLIA dans la Vallée de Kaysersberg, Erwan dans le Golfe du Morbihan, ou encore Heydoubs dans le Doubs… (je vous en parlais déjà ici : “Projets IA dans le tourisme…”).
Certaines vont même plus loin, avec une approche plus centralisée (une démarche proche de celle de One Provence), portée par un site structuré autour d’un moteur IA. C’est le cas de Charentes Tourisme, qui vient tout juste de lancer une nouvelle version de son site, entièrement repensée dans cet esprit. Une initiative intéressante dont je vous reparlerais très prochainement.
Les invités de cette interview croisée
Merci à Lionel et Olivier pour ce retour d’expérience, et pour nous avoir ouvert les coulisses du projet ! Pour celles et ceux qui ne les connaissent pas encore, voici quelques repères sur leurs parcours respectifs.

Lionel Flasseur
Directeur Général de One Provence, Lionel est une figure reconnue du marketing territorial. Après avoir dirigé la marque Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme, il porte aujourd’hui plusieurs projets de fond pour transformer la communication des destinations.
Parmi eux : Essentiem, un fonds de dotation engagé pour un tourisme plus responsable, plus solidaire, plus ancré dans les territoires. Une démarche qui illustre bien sa vision : mettre l’innovation (y compris l’IA) au service du bien commun.

Olivier Roche
Avec plus de 25 ans d’expérience dans le marketing, la relation client et le digital (TUI, Promovacances, Groupe Pierre & Vacances, CWT…), Olivier a accompagné de nombreux acteurs du tourisme dans leur mutation numérique.
Il est aujourd’hui Directeur France de FCB.ai, une agence spécialisée dans les assistants conversationnels dopés à l’IA (Smart FAQ, ChatGPT, onboarding, tunnels intelligents…). Olivier est aussi co-président du Club Tourisme & Technologies, un think tank actif sur les enjeux tech du secteur.
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