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Adopter l’IA dans sa structure : la vision pragmatique de Frédéric Cavazza

Une discussion sans filtre avec Frédéric Cavazza sur les vrais défis de l’IA : acculturation, formation, viabilité économique et impact écologique.

Nicolas François Nicolas François

Frédéric Cavazza est un pionnier de la transformation numérique, et ça fait 25 ans qu’il accompagne les entreprises dans leur digitalisation. Le monsieur sait de quoi il parle :) Avec son style incisif et pragmatique, Frédéric nous partage une analyse sincère sur l’état du marché, les modèles économiques et les efforts nécessaires pour intégrer cette technologie de façon raisonnée. Une interview qui remet les pendules à l’heure et aide à prendre du recul…

Nicolas : Pourquoi, selon toi, les entreprises semblent-elles encore hésiter à investir dans l’éducation autour de l’IA ?

Frédéric Cavazza : Tout simplement parce que les temps sont durs. Les entreprises subissent encore les contrecoups du Covid, elles ont des marges très faibles et doivent faire face à des exigences de rentabilité immédiate. Dans ce contexte, l’éducation et la formation passent souvent à la trappe.

Il y a aussi une promesse de productivité qui a été mal comprise. On a vendu l’idée que l’IA apporterait 30 % de gains de productivité, mais sans prévoir le temps et les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif. Du coup, les dirigeants exigent des résultats immédiats sans investir dans la formation. Cela crée une double déception : les employés se sentent menacés par ces technologies et les dirigeants ne voient pas les bénéfices escomptés.


1 salarié sur 2 ne sait pas bien gérer ses emails. Imaginez sa réaction si on lui met un modèle génératif entre les mains sans accompagnement…

Quels conseils donnerais-tu aux entreprises pour mettre les salariés en confiance face à l’IA ?

La clé, c’est l’acculturation. Beaucoup de salariés ne comprennent pas ce qu’est l’IA, ni comment elle fonctionne, et encore moins ce qu’elle peut leur apporter concrètement. Il faut commencer par expliquer les bases : qu’est-ce que l’IA, quels types d’outils elle propose et quels en sont les impacts ? Ensuite, il faut aborder la dimension émotionnelle en rassurant sur le fait que l’IA n’est pas là pour remplacer les humains mais pour les aider.

Une anecdote parlante : un salarié sur deux ne sait pas bien gérer ses emails. Imaginez sa réaction si on lui met un modèle génératif entre les mains sans accompagnement… On risque d’amplifier les incompréhensions et les peurs.

Penses-tu qu’on peut tirer des leçons du passé, par exemple lors de l’arrivée des ordinateurs, pour mieux adopter l’IA aujourd’hui ?

Absolument. Il y a 40 ans, on a imposé l’ordinateur aux entreprises en promettant des gains de productivité sans prévoir de véritable formation. Aujourd’hui, on reproduit exactement le même schéma avec l’IA : des salariés d’âge intermédiaire qui pensent que cette technologie est pour les jeunes et des attentes irréalistes de la part des dirigeants.

On oublie que, quel que soit l’outil, il faut un apprentissage. Dire que les jeunes gèrent naturellement l’IA parce qu’ils sont « nés avec » est une illusion. L’IA est un outil complexe qui demande un effort de formation, quel que soit l’âge ou l’expérience.

Pub pour l’ordinateur de table HP 9800 en 1981, ça rigolait pas ! :)

Parlons des modèles économiques de l’IA générative. Est-ce qu’ils te semblent viables sur le long terme ?

Non, pas dans leur forme actuelle. OpenAI, par exemple, a perdu 8 milliards de dollars l’an dernier et prévoit des pertes encore plus importantes en 2025. Le marché est artificiellement maintenu par des subventions massives (investissements privés de fonds d’investissement).

La véritable viabilité économique viendra de modèles plus petits, spécialisés et énergétiquement efficaces, accompagnés de processeurs conçus spécifiquement pour ces tâches (cf. le succès des modèles proposés par DeepSeek). En attendant, les grandes entreprises compensent ces pertes grâce à leurs autres activités lucratives.


La véritable viabilité économique viendra de modèles plus petits, spécialisés et énergétiquement efficaces…

Et sur l’impact environnemental, comment peut-on concilier développement de l’IA et respect de la planète ?

C’est un enjeu majeur. Si on continue la course au gigantisme avec des modèles toujours plus gros, on va atteindre les limites de nos ressources, qu’il s’agisse de silicium, de nickel ou d’énergie. On doit adopter une approche plus responsable en évitant cette surenchère technologique.

Un bon point : les utilisateurs commencent à se mobiliser pour exiger des solutions écologiques, ce qui pourrait pousser les acteurs du marché à ralentir cette course effrénée.


Une fiche de poste de nouvelle génération devra définir clairement ce que l’humain et la machine font respectivement…

Enfin, comment imagines-tu l’évolution de l’adoption de l’IA dans les entreprises d’ici 5 à 10 ans ?

La clé sera de repenser les fiches de poste. Les entreprises doivent accepter que les outils d’IA vont devenir des « partenaires » dans de nombreux rôles. Une fiche de poste de nouvelle génération devra définir clairement ce que l’humain et la machine font respectivement, avec des objectifs de productivité cohérents et acceptés par tous.

En parallèle, il faudra réévaluer les compétences des salariés, non seulement lors des recrutements mais à travers des évaluations régulières. Les entreprises ne peuvent plus ignorer le numérique et l’IA dans leurs processus RH.


Ce qu’il faut retenir

  • L’acculturation est essentielle : expliquer les bases de l’IA, ses outils et ses impacts est la première étape pour aider les équipes à comprendre et à l’adopter concrètement
  • La viabilité économique de l’IA repose sur des modèles plus petits, spécialisés et économes en énergie, adaptés à des besoins spécifiques
  • Adopter une approche réfléchie, en redéfinissant demain les fiches de poste et en priorisant les besoins réels

Si vous voulez aller plus loin sur ce sujet, je vous invite à lire cet article de Frédéric Cavazza “Nous n’avons pas besoin de meilleures IA, mais d’une meilleure compréhension de l’IA


Frédéric CAVAZZA - Intelligence Marketing Day
© Frédéric Cavazza

Frédéric nous rappelle les points essentiels pour adopter l’IA dans sa structure : acculturation, formation, responsabilité écologique et adaptation des organisations. Et l’IA ne doit pas être perçue comme une simple tendance mais comme une véritable opportunité à condition qu’elle soit adoptée de manière réfléchie.

L’intelligence artificielle offre des opportunités incroyables, mais elle nous pousse aussi à repenser nos façons de faire, autant sur le plan humain que technologique. En prenant le temps de comprendre et de bien se préparer, les structures et entreprises touristiques pourront transformer l’IA en un véritable atout. Le tout, c’est de passer à l’action !

👉 Où en êtes-vous dans votre adoption de l’IA dans votre structure ? Partagez vos expériences ou vos questions sur LinkedIn ou Substack.


Le B-A BA de l’IA

Frédéric vient justement de publier une mise à jour de son “B-A-BA de l’IA”, un guide pratique pour démystifier l’intelligence artificielle et ses applications concrètes.

Ce guide aborde, en 8 pages seulement :

  • La genèse et l’évolution de l’IA
  • Les méthodes d’apprentissage automatique
  • Le fonctionnement des chatbots
  • Les usages des agents intelligents
  • Les enjeux des assistants numériques

Cette interview a été publiée dans le numéro du mois de janvier :

L’IA dans le tourisme : comment avancer concrètement en 2025
Avec Frédéric Cavazza, voyons comment adopter l’IA de manière réfléchie et mieux comprendre ses enjeux. Retrouvez un récap des ressources pratiques et l’actu de l’IA.

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