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Demain, l’IA pourra réserver et payer vos voyages

Entretien avec Jean-Robert Raynier, vice-président Product Solutions France chez Mastercard

Nicolas François Nicolas François

Vers l’ère des paiements par agents IA

On paie tous sans contact aujourd’hui et ça nous paraît déjà naturel. Mais demain ? Est-ce qu’on pourra simplement demander à ChatGPT ou Perplexity « réserve-moi un hôtel »… et la réservation et le paiement se feront automatiquement ?

C’est un sujet que j’entends de plus en plus parler dans le secteur. Alors pour y voir plus clair, j’ai eu le plaisir de rencontrer Jean-Robert Raynier, vice-président Product Solutions France chez Mastercard. Avec lui, on a parlé de l’évolution des paiements, de la sécurité, et surtout de ce que ces agents IA vont changer… aussi bien pour les voyageurs que pour les destinations et les acteurs du secteur.


Nicolas : Quand on pense à Mastercard, on pense évidemment aux cartes de paiement. Mais concrètement, quelles sont tes missions ?

Jean-Robert Raynier : Mastercard, c’est un réseau mondial de 23 000 banques et plus de 3,3 milliards de porteurs de cartes. Mais ce n’est pas que ça : nous travaillons aussi sur la cybersécurité, la data et nous participons aux instances de standardisation internationales. Mon rôle en France, c’est d’accompagner le marché local dans l’adoption de ces solutions et d’aider nos clients à les intégrer.

Et dans le secteur du tourisme, quel rôle jouez-vous ?

La France accueille environ 100 millions de touristes chaque année. Mastercard joue un rôle clé pour assurer la fluidité et la sécurité de leurs paiements. Nous collaborons aussi avec le ministère du Tourisme en fournissant des données anonymisées qui permettent d’anticiper les flux. Et nous avons des partenariats mondiaux avec des OTA comme Expedia ou Booking, ainsi qu’avec Amadeus. Tous ces acteurs seront concernés par l’intégration du paiement via agents IA.

On est passés de la carte à puce au sans contact, puis au paiement mobile… et aujourd’hui aux agents IA. Comment tu vois cette trajectoire ?

Il y a une dizaine d’années, Apple, Google ou Samsung sont entrés dans le paiement. Nous les avons intégrés à notre modèle jusque-là centré sur la banque émettrice et la banque acquéreur. Cela a dynamisé le secteur et posé les bases de l’innovation digitale.

Côté sécurité, nous avons introduit la tokenisation : les numéros de carte sont remplacés par des alias, ce qui évite leur vol ou leur réutilisation. Pour l’utilisateur, cela se traduit par des validations comme le 3DS, et de plus en plus par la biométrie. L’objectif, c’est d’assurer la sécurité tout en gardant une expérience fluide.

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La tokenisation, en clair, ça veut dire que ton vrai numéro de carte n’est jamais transmis. Il est remplacé par un code unique inutilisable ailleurs. Le 3DS, on le connais aussi, c’est le fameux SMS ou la validation dans son appli bancaire quand on fait un achat en ligne.

Et côté expérience, qu’est-ce que ça change pour un voyageur ?

Prenons Apple Pay, tu valides ton achat par biométrie sur ton téléphone ou ta montre et c’est fini. C’est fluide et sécurisé. Notre rôle, via les standards que nous développons avec Fido, c’est de permettre à toutes les banques et à tous les marchands de proposer cette expérience, pas seulement aux géants de la tech.

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FIDO = Fast IDentity Online. C’est une alliance mondiale (avec Apple, Google, Microsoft, Mastercard…) qui veut remplacer les mots de passe par des méthodes d’authentification plus sûres et plus fluides : empreinte, reconnaissance faciale, clés de sécurité…

Justement, parlons des agents IA. On a entendu parler de partenariats avec Perplexity et PayPal. Vous développez aussi Agent Pay. De quoi s’agit-il ?

Aujourd’hui, des milliards de requêtes sont faites chaque jour dans des agents IA. Rien que ChatGPT, c’est environ 2,5 milliards de requêtes quotidiennes. Et une part importante correspond à des intentions d’achat. L’e-commerce se déplace vers ces agents. Avec Agent Pay, nous voulons apporter confiance, sécurité et transparence. L’agent devient en quelque sorte ton portefeuille numérique actif, capable de réaliser des paiements en ton nom, mais avec ton consentement et une authentification forte. Tout repose sur la tokenisation et la biométrie, dans le cadre de règles claires et de contrats avec les agents IA.

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Authentification forte = une double validation, par exemple biométrie + confirmation dans son appli bancaire.

Donc demain, si je demande à un agent IA « trouve-moi un hôtel à Florence et réserve », ça sera possible ?

Exactement. L’agent pourra réserver une chambre, organiser un séjour complet avec restaurants et spectacles… tout cela sans que tu quittes l’interface. Aujourd’hui, certains agents passent déjà par des navigateurs intégrés pour effectuer des actions, mais c’est opaque et peu sécurisé. Avec Agent Pay, on remet de la transparence et de la sécurité dans ces transactions.

On pourrait se dire que ça concerne surtout les géants du e-tourisme. Qu’en est-il pour les plus petits acteurs, comme un musée ou un office de tourisme ?

Les agents pourront interagir directement avec les sites marchands via des connexions “serveur à serveur”, ou utiliser leur propre navigateur en arrière-plan. Ainsi, demain, même un petit musée pourra être réservable et payable via ces systèmes, avec la sécurité Mastercard.

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Connexion serveur à serveur = en gros, les systèmes communiquent directement entre eux, sans passer par un navigateur.

Et quand est-ce que ça deviendra vraiment concret ?

Les premières transactions sont prévues aux États-Unis fin 2025. Une phase pilote sera lancée en Europe au premier trimestre 2026.

Côté sécurité, comment un client pourra-t-il suivre ses paiements ou réagir en cas de fraude ?

Les fondamentaux restent les mêmes que pour toute transaction Mastercard : traçabilité, protections pour le consommateur, outils de suivi pour le commerçant. Et les litiges seront gérés comme aujourd’hui. C’est essentiel pour la confiance. Et on utilise l’IA depuis longtemps chez Mastercard, surtout pour la cybersécurité. Nous interceptons plus de 100 millions d’attaques par an grâce à nos systèmes d’IA. C’est une expertise que nous étendons aujourd’hui aux paiements dans les agents IA.

On parle beaucoup des pros, mais à titre personnel, comment utilises-tu l’IA au quotidien ?

Très régulièrement ! Pour améliorer des emails, synthétiser des infos complexes, gérer mes finances avec Perplexity Finance… ou même pour des choses très concrètes, comme trouver des solutions à un problème d’humidité dans la maison de mes parents ! [sourire] L’IA me fait gagner du temps et me permet d’explorer rapidement des options.

Pour conclure, quel message aimerais-tu adresser aux professionnels du tourisme ?

Les clients vont très vite s’habituer à ces nouvelles expériences. Dans le tourisme, l’expérience est clé. Si un voyageur peut réserver et payer son séjour en quelques secondes, de façon fluide et sécurisée, il choisira l’acteur qui le propose. Les professionnels ont donc tout intérêt à anticiper ces usages et à se préparer dès maintenant.

Merci beaucoup Jean-Robert !


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